La méthode au cœur du travail analytique
“Mais je ne sais pas quoi dire…”
C’est souvent ce que l’on dit en début de cure. On vient en séance, on s’assoit (parfois on s’allonge), et l’analyste dit quelque chose comme :
“Dites ce qui vous vient à l’esprit.”
Pas facile. Ce n’est ni une discussion ordinaire, ni un interrogatoire, ni un coaching. Alors… que faut-il dire ? De quoi faut-il parler ?
En psychanalyse, il n’y a pas de thème imposé. Il y a une méthode particulière, simple en apparence mais profonde : la libre association.
Qu’est-ce que la libre association ?
C’est l’invitation à dire librement ce qui vient à l’esprit, sans chercher à censurer, organiser, filtrer ou faire “intelligent”.
Cela peut être un souvenir, une pensée absurde, un rêve, une émotion, une image, un lapsus, une gêne, un mot… même le silence peut être signifiant. Ce n’est pas le contenu qui compte, c’est la manière dont cela surgit.
Freud disait : “Dites tout ce qui vous passe par la tête, même si cela vous semble absurde, honteux ou sans intérêt.”
Pourquoi cette méthode ?
Parce que l’inconscient ne parle pas toujours de manière directe. Il se glisse dans des détours, dans ce qu’on allait dire mais qu’on retient, dans un mot qui échappe, dans une image qui insiste.
La libre association permet de faire entendre ce qui insiste malgré nous : ce qui revient, ce qui nous échappe, ce qui se répète. Elle ouvre un espace de surprise : on se met à dire des choses qu’on ne pensait pas dire… et c’est souvent là que quelque chose se joue.
Des exemples en séance
➤ 1. Une phrase coupée
Une patiente commence une phrase puis s’interrompt :
“J’allais dire que j’étais heureuse, mais… je ne sais pas pourquoi, ça me gêne.”
Ce petit accroc ouvre la voie vers une peur inconsciente du bonheur, liée à une culpabilité familiale.
➤ 2. Une pensée sans lien
Un patient parle de son travail, puis soudain :
“Je repense à mon cartable de quand j’étais petit.”
Sans logique apparente. Mais ce souvenir d’enfance devient le point de départ d’un rêve récurrent et d’un conflit profond avec l’autorité.
➤ 3. Un mot qui revient
Une personne répète souvent le mot “effondrement” dans des contextes variés. L’analyste lui fait entendre cette répétition. Elle dit alors : “Je ne sais pas pourquoi je dis ça… c’est le mot qui vient.”
Ce mot devient un signifiant-clé, à écouter.
Que fait le psy ?
Le psy n’intervient pas tout le temps. Il écoute — mais pas comme on écoute dans une conversation ordinaire. Il écoute la manière dont le discours s’organise, se dérobe, se répète, et intervient par moments : un mot, une ponctuation, une relance, une interprétation.
La parole du patient est prise au sérieux, même (et surtout) lorsqu’elle semble inutile, étrange ou incohérente.
En résumé
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La libre association est la méthode fondamentale de la psychanalyse ou en psychothérapie.
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Il s’agit de dire ce qui vient, sans chercher à censurer, à organiser ou à plaire.
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Cette parole libérée permet de faire émerger l’inconscient, souvent là où on ne s’y attend pas.
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Ce qui semble anodin, ou sans lien, peut devenir porte d’entrée vers une vérité plus profonde.
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Le rôle de l’analyste est d’écouter autrement, et parfois d’interpréter ce qui, dans cette parole, insiste ou se répète.