L'interprétation : un mot qui surprend, qui touche, qui ouvre
En séance, il peut arriver que le psychanalyste intervienne par ce qu’on appelle une interprétation.
Ce n’est pas une explication, ni une réponse toute faite.
Il s’agit plutôt d’un mot, d’une question, d’une reformulation, ou d’un silence, qui vient surprendre, faire entendre autre chose, interroger le sens figé que l’on donne à ce qu’on vit.
L’interprétation n’est pas systématique : elle surgit parfois là où le patient ne l’attend pas, et laisse une trace. Elle peut ouvrir une brèche, faire résonner un mot autrement, ou tout simplement faire vaciller un discours trop sûr de lui.
Ce n’est pas une phrase magique, mais un mot juste — celui qui touche quelque chose d’inconscient, et qui relance le travail de pensée, même en silence.
Un exemple clinique permet de le comprendre simplement.
En hôpital, un jeune adulte me parle de sa relation avec son père. Il raconte :
« On jouait à FIFA (jeux vidéo de foot) ensemble. Chaque fois je le battais, et il se mettait en colère. »
Je décide d’intervenir :
« Ah oui, vous battez votre père ? »
L’interprétation porte ici sur le signifiant ou le verbe battre. L’interprétation a eu un effet pour le patient : il rit, surpris d’entendre son propre mot autrement. Et ce déplacement a permis d’entrer dans un autre registre de son histoire, plus profond et plus intime. Ce mot, entendu autrement, ouvre à la fois sur le fantasme du patient (imaginer inverser les rôles, battre son père comme il se sentait battu psychologiquement), et sur la souffrance vécue (les humiliations infligées par son père).
C’est ça, l’inconscient : il se dit au détour d’un mot, qui échappe un instant à son sens habituel, et qui révèle une vérité plus intime.