Comprendre les blocages psychiques dans une démarche analytique
“Je ne comprends pas, j’allais mieux, et maintenant ça bloque…”
C’est une phrase que l’on entend parfois en séance. Le travail semblait avancer, la parole circuler, et puis tout à coup : une gêne, un silence, une irritation, une fatigue… ou même l’envie d’arrêter.
En psychanalyse, ces moments ne sont pas des “reculs”. Ce sont des points de résistance. Des endroits où quelque chose en nous se défend, se replie, se détourne. Non par mauvaise volonté, mais parce que l’inconscient résiste au changement. Il se protège — et il a ses raisons.
Qu’est-ce qu’une résistance psychique ?
C’est une force intérieure qui s’oppose, ralentit ou dévie le travail analytique.
Elle peut prendre des formes très variées :
-
oubli d’un rêve ou d’un mot important,
-
rationalisation (“c’est pas si grave”),
-
distraction,
-
changement de sujet dès qu’on s’approche d’un point sensible,
-
agressivité envers l’analyste,
-
évitement (“je ne sais pas quoi dire”),
-
ou même… une amélioration soudaine trop rapide.
Tout cela peut être une défense contre ce qui dérange, ce qui remue, ce qui risque de faire vaciller l’équilibre psychique.
Pourquoi résiste-t-on ?
Parce que parler vraiment, ça engage.
Entrer dans une parole libre, associée, faire remonter un souvenir, un affect, une vérité inconfortable — cela met en jeu des conflits internes. On touche à des zones fragiles : honte, culpabilité, peur de perdre le contrôle, fidélité inconsciente à un parent, répétition d’un échec...
Alors le psychisme déploie des stratégies de protection, souvent inconscientes : ce sont les mécanismes de défense.
Les mécanismes de défense, c’est grave docteur ?
Pas du tout. Ce ne sont pas des “erreurs” psychiques, ni des pathologies. Ce sont des manières de faire avec ce qui fait mal, souvent mises en place dès l’enfance. Elles permettent de vivre, de tenir, de se protéger.
Par exemple :
-
Le refoulement : on oublie ce qui est trop chargé émotionnellement.
-
La dénégation : “je dis quelque chose… mais je le nie aussitôt.”
-
L’humour : je rends risible ce qui, au fond, me touche.
-
La projection : j’attribue à l’autre ce que je ne veux pas voir en moi.
-
La somatisation : le corps prend en charge ce qui ne peut pas se dire.
Ces mécanismes ne sont pas à supprimer, mais à repérer. En analyse, on apprend à les reconnaître, à en faire quelque chose, à retrouver du choix là où il n’y avait que de la répétition.
Des exemples concrets
➤ 1. L’oubli qui parle
Une patiente oublie systématiquement de raconter un rêve qui la trouble. Elle le note, puis l’efface. Chaque fois. En en parlant, elle découvre que ce rêve touche une scène familiale honteuse, longtemps tue.
➤ 2. L’hostilité envers l’analyste
Un patient se met en colère : “vous me regardez comme si j’étais un enfant”. Cette phrase ouvre une porte vers une histoire ancienne, dans laquelle il a été constamment infantilisé. L’agressivité est une défense contre la régression.
➤ 3. Le “tout va bien” brutal
Une analysante dit un jour, avec un sourire forcé : “Finalement, je crois que je n’ai plus besoin de venir.” C’est juste après avoir évoqué, pour la première fois, un épisode d’abandon. L’amélioration est une défense : partir avant d’être touchée.
En résumé
-
Les résistances sont des freins internes au travail psychique : elles protègent, mais bloquent.
-
Les mécanismes de défense sont des stratégies inconscientes pour éviter une douleur psychique.
-
Ils ne sont pas pathologiques, mais peuvent devenir rigides ou répétitifs.
-
En psychanalyse, on ne cherche pas à les forcer, mais à les entendre, les accompagner, pour ouvrir un espace de parole plus libre.
Pour conclure : résister, c’est aussi signaler qu’un seuil est franchi
Dans une cure, les moments de résistance ne sont pas des échecs. Ce sont souvent des points de bascule. Ils indiquent qu’on s’approche d’un point de vérité subjective, là où le symptôme se noue, là où le désir s’entrave.
Le travail analytique consiste alors à respecter ce rythme, à ne pas forcer, mais à laisser la parole revenir — quand le sujet sera prêt.
Résister, c’est encore une forme de lien. Et parfois, c’est le début du travail véritable.